Quelques définitions
L'individu semble être défini par son corps, son intelligence, sa conscience, voire son esprit. Lesquelles de ces caractéristiques sont nécessaires et suffisantes pour qualifier l'individu ?
L'être humain
Un être humain est composé d'organes. Chaque organe est composées de cellules. Chaque cellule est composée de molécules. L'ensemble des molécules composant un être humain est différent pour chaque être humain, même chez les vrais jumeaux.
La connaissance de la composition et de l'organisation moléculaire d'un être humain est donc nécessaire pour le caractériser en tant qu'un individu. On retiendra les termes : "ensemble de molécules" ou "composition et organisation moléculaire" dans la suite de l'exposé.
L'intelligence
L'être humain est doué d'intelligence. Cette faculté se résume, de façon élémentaire et suffisante, à notre capacité à stocker et à manipuler des informations. La mémoire et la raison sont le produit de l'activité cérébrale. L'activité cérébrale est uniquement et complètement déterminée par l'organisation du réseau de neurones du cerveau, et à leurs interactions électriques et biochimiques. Par exemple : la mémoire d'un évènement se résume en un ensemble de neurones dans un état électrique et biochimique particulier. Un autre exemple : la faculté de calculer se résume à un ensemble de neurones qui interagissent entre eux.
Le cerveau est un organe, qui comme les autres est constitué de cellules, elles-mêmes constituées de molécules. La connaissance de la composition et de l'organisation moléculaire du cerveau est donc suffisante pour caractériser l'intelligence d'un individu. Puisque que le cerveau n'est qu'une partie du corps, il n'est pas nécessaire de considérer l'intelligence comme caractéristique additionnelle pour qualifier l'individu.
La conscience
La conscience est la faculté mentale permettant d'avoir connaissance de ses états, de ses actes, de se sentir exister, d'être présent. C'est le résultat de processus cognitifs supérieurs contrôlant des activités cérébrales complexes; la conscience est le produit de l'intelligence définie précédemment. Il n'est donc pas nécessaire de considérer la conscience comme caractéristique additionnelle pour qualifier l'individu.
Il est à noter que la perte de conscience tel que l'évanouissement ne suffit pas à remettre en cause la notion d'individu. Même lorsqu'il est inconscient, un individu continue d'en être un, au regard des autres. D'autres états altérés de conscience consécutifs à des traumatismes, des lésions ou des maladies qui ont endommagé la structure cérébrale, peuvent néanmoins remettre en cause l'intégrité d'un individu. Ce cas sera traité plus loin.
L'esprit
La notion d'esprit d'un être, en tant que principe supérieur vital et entité incorporelle, n'a pas été à ce jour observé et expliqué scientifiquement. On considérera donc, qu'elle est le produit de l'imagination individuelle ou collective, donc de l'intelligence. La notion d'esprit n'est donc pas nécessaire pour caractériser l'individu.
Un ensemble de molécules
L'individu se résume donc à un ensemble de molécules. Connaître la liste de ces molécules et leur agencement dans l'espace suffit à caractériser un individu.
L'évolution du corps
L'individu est un être vivant, il n'est pas inerte. Son organisation moléculaire change lorsqu'il est en mouvement. Son métabolisme change sa composition moléculaire en ajoutant, en expulsant ou en transformant certaines molécules. Le corps humain est composé de plus de 70% de fluide, présent au sein des cellules ou circulant dans le corps. Un fluide n'a pas d'organisation moléculaire spécifique, contrairement aux cellules constituant la structure du corps humain, tel que les os, les muscles, la peau, les organes.
Les molécules composant la structure de ces cellules, ou responsables de l'activité génétique ou biochimique, au sein des cellules ou entre les cellules, déterminent donc les caratéristiques de l'individu. On appellera ces molécules : "l'ensemble des molécules structurelles" dans la suite de l'exposé.
Le facteur temps
La structure du corps humain change au cours du temps. Pourtant, un individu est toujours le même individu à 0, 20 ou 80 ans. La connaissance du changement de la composition et de l'organisation moléculaire d'un individu dans le temps est donc une caractéristique supplémentaire.
L'intégrité fonctionnelle
Essayons de déterminer si un individu est toujours le même suite à un changement corporel quelconque. (Nous supposerons que la science est sans limite dans la suite de l'exposé.)
L'individu se résume donc à son cerveau, ou plus précisément à l'ensemble des molécules structurelles du cerveau. Le reste du corps n'est pas déterminant pour caractériser l'individu.
La dématérialisation du corps
Imaginons que l'on ait à notre disposition une machine qui soit capable d'analyser la composition moléculaire d'un individu, de le dématérialiser, puis de le reconstruire à l'identique, sans erreur. On appellera cette machine : la "boite".
Le fonctionnement est simple : un individu entre par un côté de la boite, se retrouve transformé en un nuage de molécules pendant un laps de temps, puis ressort de l'autre côté, avec la conviction que rien ne s'est passé pendant son passage dans la boite.
L'individu est persuadé qu'il est bien lui-même, et les observateurs de l'expérience le pensent aussi. Rien ne permet de distinguer l'individu avant et après le passage dans la boite.
La notion de mort
L'individu passe par un état de nuage moléculaire lors de sa dématérialisation : il n'existe plus en tant qu'être vivant, il est donc biologiquement mort. Mais, la connaissance de l'ensemble de ses molécules est essentielle. C'est seulement si l'on perdait cette information que l'individu disparaitrait véritablement de l'univers.
L'individu continue donc d'exister pendant sa dématérialisation, il est dans un état inerte temporaire, par opposition à l'état d'être vivant, et il y a continuité entre ces deux états.
Le réel et le virtuel
L'individu est composé de deux choses :
Imaginons que la boite dispose d'un stock de molécules, et puisse remplacer, changer, supprimer ou ajouter des molécules dans le nuage de molécules. Essayons de déterminer si l'individu est toujours le même lorsqu'il ressort de la boite, suite à un changement particulier.
La duplication d'un individu
Imaginons que l'on dispose d'une deuxième boite et que les deux boites communiquent ensemble. L'individu entre dans la première boite. Il se fait dématérialiser. La première boite passe son analyse de la composition moléculaire de l'individu à la deuxième boite. La première boite reconstruit l'individu avec ses molécules, et la deuxième boite construit un autre individu identique à la molécule près. Les deux individus sortent de leur boite en même temps.
A l'instant où ils sortent, rien ne permet de les distinguer, sinon que l'un est à un endroit et l'autre à un autre endroit. Ils ont tous les deux la conviction qu'ils sont l'individu original. On pourrait considérer que l'individu reconstitué avec ses molécules originales, est seul, l'individu original. Mais, on a vu précédemment que les caractéristiques d'un individu ne dépendent pas des molécules elles-mêmes.
Seul la nature des molécules comptent dans les caractéristiques d'un individu. Les deux individus sont en fait deux personnes parfaitement identiques d'un même individu. Ils ne peuvent être considérés comme deux individus puisqu'ils ne sont pas uniques. Cela dit, à partir de l'instant où ces deux personnes sortent de la boite, elles vont vivre des expériences différentes, et donc se différencier en deux individus.
Le mélange des personnes
Imaginons une dernière expérience avec la boite. L'individu entre dedans, et se fait dématérialiser dans un nuage de molécules. Puis, la boite crée un autre nuage de molécules identique au premier, mélange les deux nuages, puis reconstruit deux individus parfaitement identiques. Les individus sortent chacun d'un côté de la boite. Peut-on dire que l'individu original a disparu ? Non. Chaque individu est constitué de la moitié des molécules de l'individu original, mais comme on l'a vu précédemment, les molécules ne jouent aucun rôle en tant qu'objet, mais seulement par leur nature.
Les deux individus sont en fait les deux personnes identiques d'un même individu. Le résultat de cette expérience est identique à la précédente.
Le substitut non biologique
Essayons de déterminer si un individu est toujours le même, lorsque l'on change une partie de son corps avec un substitut non biologique, par exemple une prothèse. Le substitut est identique à la partie remplacée sur le plan fonctionnel, et aussi visuel pour une partie extérieure, par exemple de la peau.
Dans la dernière expérience, le changement affecte profondément certaines fonctions vitales de l'individu. Les muscles, par exemple, continuent d'assurer leur rôle mécanique, mais ils sont de nature différente. Ils utilisent d'autres processus physicochimiques pour fonctionner. L'apport d'énergie aux muscles doit être adapté. Ceci affecte l'alimentation et la respiration.
L'individu ne peut plus être considéré comme un être humain à part entière. Mais, la barrière des espèces est un critère arbitraire, qui n'a son sens que lorsque l'on caractérise un individu sur le plan biologique. Il peut donc y avoir continuité de l'individualité, lors du passage d'une espèce à une autre.
La simulation du corps
Imaginons que l'on ait une machine capable de remplacer le corps humain. Elle peut simuler les fonctions responsables des interactions avec le monde extérieur, par exemples : la vue, l'ouïe, l'odorat, le toucher, la parole, le mouvement. Et elle peut recevoir un vrai cerveau, qui prend alors son contrôle. On appellera cette machine : le "robot".
On transplante le cerveau d'un individu dans le robot. L'individu est-il le même ? Plutôt oui. On a vu précédemment que le corps n'est pas une caractéristique déterminante de l'individu. On a vu aussi que l'appartenance du corps, ou du réceptacle du cerveau, à une espèce donnée, n'est pas un critère. Il va sans dire que le comportement de l'individu sera profondément affecté.
Le remplacement du cerveau
Imaginons que l'on ait un autre robot pourvu d'un ordinateur de bord, qui puisse simuler parfaitement un cerveau humain. Le robot récupère de la boite utilisée précédemment, l'information décrivant la composition et l'organisation moléculaire de l'individu, et en particulier, la partie concernant son cerveau. Puis le robot programme l'ordinateur de bord, et lui passe le contrôle. L'individu dans le robot est-il le même ? Oui. On a vu que la mémoire et la raison de l'individu, sont complètement déterminées par la composition et l'organisation moléculaire du cerveau. L'ordinateur fonctionne donc comme le cerveau biologique de l'individu initial. Il se souvient des mêmes évènements passés, et traitera les évènements futurs avec la même puissance de raisonnement.
Il est l'individu. Il sait que son cerveau est fait de semi-conducteur au lieu de neurones, mais cette différence n'est pas déterminante. D'ailleurs, l'être humain a passé l'essentiel de son temps sur terre sans savoir que son cerveau était le siège de son individualité, de sa mémoire et de sa raison, ou composé de neurones. Le comportement de l'individu va bien sûr être profondément affecté, mais probablement moins que celui d'un autre individu qui, par exemple, suite à un accident cérébral, deviendrait tétraplégique.
Conclusion
L'individu se résume donc à sa mémoire et à sa raison, ou plus précisément à l'information qui permet de reconstruire sa mémoire, et sa capacité à manipuler des informations.
L'individu peut être dans deux états possibles :
Un individu peut être dupliqué en plusieurs entités inertes ou vivantes :
- L'individu est un être concret possédant une unité de caractères et formant un tout reconnaissable. Un individu ne peut être ni partagé ni divisé sans perdre les caractéristiques qui lui sont propres. Un individu est original, il n'existe pas deux individus totalement identiques.
- En biologie, un individu est un spécimen vivant appartenant à une espèce donnée. C'est un être organisé, vivant d'une existence propre, et qui ne peut être divisé sans être détruit.
- En psychologie, l'individu désigne un être pensant, c'est la considération psychique de l'individu biologique.
- En philosophie, un individu est un être raisonnable, tirant de lui-même, et non pas subissant du dehors, ce qui le met en relation avec autrui.
- En psychanalyse, un individu est capable de prendre conscience qu'il est distinct et différent des autres, qu'il est une personne entière, indivisible.
- Dans la religion, l'individu est fait de corps et d'esprit. L'esprit est un principe de vie qui anime le corps, il est d'origine surnaturelle.
L'individu semble être défini par son corps, son intelligence, sa conscience, voire son esprit. Lesquelles de ces caractéristiques sont nécessaires et suffisantes pour qualifier l'individu ?
L'être humain
Un être humain est composé d'organes. Chaque organe est composées de cellules. Chaque cellule est composée de molécules. L'ensemble des molécules composant un être humain est différent pour chaque être humain, même chez les vrais jumeaux.
La connaissance de la composition et de l'organisation moléculaire d'un être humain est donc nécessaire pour le caractériser en tant qu'un individu. On retiendra les termes : "ensemble de molécules" ou "composition et organisation moléculaire" dans la suite de l'exposé.
L'intelligence
L'être humain est doué d'intelligence. Cette faculté se résume, de façon élémentaire et suffisante, à notre capacité à stocker et à manipuler des informations. La mémoire et la raison sont le produit de l'activité cérébrale. L'activité cérébrale est uniquement et complètement déterminée par l'organisation du réseau de neurones du cerveau, et à leurs interactions électriques et biochimiques. Par exemple : la mémoire d'un évènement se résume en un ensemble de neurones dans un état électrique et biochimique particulier. Un autre exemple : la faculté de calculer se résume à un ensemble de neurones qui interagissent entre eux.
Le cerveau est un organe, qui comme les autres est constitué de cellules, elles-mêmes constituées de molécules. La connaissance de la composition et de l'organisation moléculaire du cerveau est donc suffisante pour caractériser l'intelligence d'un individu. Puisque que le cerveau n'est qu'une partie du corps, il n'est pas nécessaire de considérer l'intelligence comme caractéristique additionnelle pour qualifier l'individu.
La conscience
La conscience est la faculté mentale permettant d'avoir connaissance de ses états, de ses actes, de se sentir exister, d'être présent. C'est le résultat de processus cognitifs supérieurs contrôlant des activités cérébrales complexes; la conscience est le produit de l'intelligence définie précédemment. Il n'est donc pas nécessaire de considérer la conscience comme caractéristique additionnelle pour qualifier l'individu.
Il est à noter que la perte de conscience tel que l'évanouissement ne suffit pas à remettre en cause la notion d'individu. Même lorsqu'il est inconscient, un individu continue d'en être un, au regard des autres. D'autres états altérés de conscience consécutifs à des traumatismes, des lésions ou des maladies qui ont endommagé la structure cérébrale, peuvent néanmoins remettre en cause l'intégrité d'un individu. Ce cas sera traité plus loin.
L'esprit
La notion d'esprit d'un être, en tant que principe supérieur vital et entité incorporelle, n'a pas été à ce jour observé et expliqué scientifiquement. On considérera donc, qu'elle est le produit de l'imagination individuelle ou collective, donc de l'intelligence. La notion d'esprit n'est donc pas nécessaire pour caractériser l'individu.
Un ensemble de molécules
L'individu se résume donc à un ensemble de molécules. Connaître la liste de ces molécules et leur agencement dans l'espace suffit à caractériser un individu.
L'évolution du corps
L'individu est un être vivant, il n'est pas inerte. Son organisation moléculaire change lorsqu'il est en mouvement. Son métabolisme change sa composition moléculaire en ajoutant, en expulsant ou en transformant certaines molécules. Le corps humain est composé de plus de 70% de fluide, présent au sein des cellules ou circulant dans le corps. Un fluide n'a pas d'organisation moléculaire spécifique, contrairement aux cellules constituant la structure du corps humain, tel que les os, les muscles, la peau, les organes.
Les molécules composant la structure de ces cellules, ou responsables de l'activité génétique ou biochimique, au sein des cellules ou entre les cellules, déterminent donc les caratéristiques de l'individu. On appellera ces molécules : "l'ensemble des molécules structurelles" dans la suite de l'exposé.
Le facteur temps
La structure du corps humain change au cours du temps. Pourtant, un individu est toujours le même individu à 0, 20 ou 80 ans. La connaissance du changement de la composition et de l'organisation moléculaire d'un individu dans le temps est donc une caractéristique supplémentaire.
L'intégrité fonctionnelle
Essayons de déterminer si un individu est toujours le même suite à un changement corporel quelconque. (Nous supposerons que la science est sans limite dans la suite de l'exposé.)
- Un individu se coupe le doigt, et il saigne. Est-il toujours le même individu ? Oui. L'individu a perdu des molécules de sang, et la structure moléculaire de son doigt à changé brutalement localement, mais la composition et l'organisation moléculaire de l'individu n'a pas fondamentalement changé.
- Un individu fait un régime et passe de 120kg à 80kg en 2 ans. Est-il toujours le même individu ? Oui. L'individu a pourtant perdu 30% de ces molécules de façon accélérée, mais son intégrité fonctionnelle est la même.
- Un individu se fait greffer un nouveau coeur. Est-il toujours le même individu ? Oui. Il l'est certainement de son point de vue et de celui des autres, pourtant son corps à subi un gros changement, qui d'ailleurs affectera son comportement futur.
- Un individu se fait greffer un nouveau visage. Est-il toujours le même individu ? Oui. L'individu mettra toutefois du temps à s'habituer à son nouveau visage, son entourage aussi. Le changement est important et brutal, il affectera le comportement de l'individu et son entourage fortement.
- Un individu se fait transplanter son cerveau dans un autre corps. Est-il toujours le même individu ? Plutôt oui. La transplantation du cerveau revient à changer de coeur, de visage, etc... Chaque changement d'organe fait séparément ne remet pas en cause l'individu. Il n'y a à priori aucune limite au nombre d'organes changés en une fois pour déterminer si l'individu reste le même ou pas. Le fait de tout changer en une fois, ou en plusieurs fois au cours du temps, n'est à priori pas déterminant. Toutefois, ce changement affectera profondément le comportement de l'individu et de son entourage.
- Un individu se fait greffer un nouveau cerveau ! Est-il toujours le même individu ? Plutôt non. Le changement est en fait identique au précédent, mais du point de vue du corps sans le cerveau. La question semble n'avoir aucun sens, pourtant on peut se la poser, puisque le corps sans cerveau constitue l'essentiel des molécules du corps. Mais, le cerveau a un rôle primordial dans la détermination des caractéristiques d'un individu.
- Un individu subit un accident cérébral, il perd une partie de ses facultés intellectuelles et ne se reconnait plus. Est-il le même individu ? Plutôt oui, mais en perdant une partie de son cerveau, l'individu perd une partie des informations qui constituent son individualité. Le fait qu'il ne se reconnaisse pas ne suffit pas à le considérer comme un autre individu, mais au regard des autres, il n'est plus tout à fait le même.
- Un individu subit un traumatisme crânien grave, il est plongé dans un état végétatif irréversible. Est-il le même individu ? Plutôt non. Il conserve, certes, les caractéristiques de son corps, mais son psychisme est perdu totalement à jamais. Il n'est plus du tout le même individu au regard des autres, qui ne peuvent plus interagir avec lui. En fait, il n'existe plus vraiment à leur regard, sinon dans leur mémoire. Certains pensent même qu'il est inutile de le maintenir en vie artificiellement, ce qu'ils ne penseraient pas s'il y avait un espoir de vie.
L'individu se résume donc à son cerveau, ou plus précisément à l'ensemble des molécules structurelles du cerveau. Le reste du corps n'est pas déterminant pour caractériser l'individu.
La dématérialisation du corps
Imaginons que l'on ait à notre disposition une machine qui soit capable d'analyser la composition moléculaire d'un individu, de le dématérialiser, puis de le reconstruire à l'identique, sans erreur. On appellera cette machine : la "boite".
Le fonctionnement est simple : un individu entre par un côté de la boite, se retrouve transformé en un nuage de molécules pendant un laps de temps, puis ressort de l'autre côté, avec la conviction que rien ne s'est passé pendant son passage dans la boite.
L'individu est persuadé qu'il est bien lui-même, et les observateurs de l'expérience le pensent aussi. Rien ne permet de distinguer l'individu avant et après le passage dans la boite.
La notion de mort
L'individu passe par un état de nuage moléculaire lors de sa dématérialisation : il n'existe plus en tant qu'être vivant, il est donc biologiquement mort. Mais, la connaissance de l'ensemble de ses molécules est essentielle. C'est seulement si l'on perdait cette information que l'individu disparaitrait véritablement de l'univers.
L'individu continue donc d'exister pendant sa dématérialisation, il est dans un état inerte temporaire, par opposition à l'état d'être vivant, et il y a continuité entre ces deux états.
Le réel et le virtuel
L'individu est composé de deux choses :
- La première est réelle, ce sont les molécules, en tant qu'ensemble sans organisation particulière.
- La deuxième est virtuelle, c'est l'information décrivant l'organisation de ces molécules.
Imaginons que la boite dispose d'un stock de molécules, et puisse remplacer, changer, supprimer ou ajouter des molécules dans le nuage de molécules. Essayons de déterminer si l'individu est toujours le même lorsqu'il ressort de la boite, suite à un changement particulier.
- On échange juste une molécule d'un doigt de l'individu avec une molécule de la même nature, par exemple on échange une molécule d'eau avec une autre molécule d'eau. L'individu est-il le même en sortant de la boite ? Oui. Ce changement est moins important que lorsque le doigt a été coupé dans l'expérience précédente.
- On change toutes les molécules du coeur que l'on remplace par des molécules de même nature. L'individu est-il le même en sortant de la boite ? Oui. Ce changement est moins important que lorsque le coeur est remplacé par un autre dans l'expérience décrite précédemment.
- On remplace toutes les molécules de l'individu par d'autres molécules de la même nature. L'individu est-il le même en sortant de la boite ? Plutôt oui. A priori, peut importe le nombre de molécules que l'on remplace. Par comparaison, le métabolisme change de nombreuses molécules d'un individu à chaque instant. La majorité, voire probablement toutes les molécules d'un individu sont changées au cours de sa vie, sans que son individualité soit remise en cause.
La duplication d'un individu
Imaginons que l'on dispose d'une deuxième boite et que les deux boites communiquent ensemble. L'individu entre dans la première boite. Il se fait dématérialiser. La première boite passe son analyse de la composition moléculaire de l'individu à la deuxième boite. La première boite reconstruit l'individu avec ses molécules, et la deuxième boite construit un autre individu identique à la molécule près. Les deux individus sortent de leur boite en même temps.
A l'instant où ils sortent, rien ne permet de les distinguer, sinon que l'un est à un endroit et l'autre à un autre endroit. Ils ont tous les deux la conviction qu'ils sont l'individu original. On pourrait considérer que l'individu reconstitué avec ses molécules originales, est seul, l'individu original. Mais, on a vu précédemment que les caractéristiques d'un individu ne dépendent pas des molécules elles-mêmes.
Seul la nature des molécules comptent dans les caractéristiques d'un individu. Les deux individus sont en fait deux personnes parfaitement identiques d'un même individu. Ils ne peuvent être considérés comme deux individus puisqu'ils ne sont pas uniques. Cela dit, à partir de l'instant où ces deux personnes sortent de la boite, elles vont vivre des expériences différentes, et donc se différencier en deux individus.
Le mélange des personnes
Imaginons une dernière expérience avec la boite. L'individu entre dedans, et se fait dématérialiser dans un nuage de molécules. Puis, la boite crée un autre nuage de molécules identique au premier, mélange les deux nuages, puis reconstruit deux individus parfaitement identiques. Les individus sortent chacun d'un côté de la boite. Peut-on dire que l'individu original a disparu ? Non. Chaque individu est constitué de la moitié des molécules de l'individu original, mais comme on l'a vu précédemment, les molécules ne jouent aucun rôle en tant qu'objet, mais seulement par leur nature.
Les deux individus sont en fait les deux personnes identiques d'un même individu. Le résultat de cette expérience est identique à la précédente.
Le substitut non biologique
Essayons de déterminer si un individu est toujours le même, lorsque l'on change une partie de son corps avec un substitut non biologique, par exemple une prothèse. Le substitut est identique à la partie remplacée sur le plan fonctionnel, et aussi visuel pour une partie extérieure, par exemple de la peau.
- L'individu perd un doigt que l'on remplace avec une prothèse. Est-il toujours le même individu ? Oui. L'individu est le même de son point de vue et de celui des autres. Le changement n'affecte pas son intégrité fonctionnelle.
- L'individu se fait remplacer son coeur par un coeur artificiel. Est-il toujours le même individu ? Oui. Idem.
- L'individu se fait tout remplacer sauf le cerveau. Est-il toujours le même individu ? Oui. On a vu précédemment que le corps sans le cerveau n'est pas déterminant pour caractériser l'individu. De plus, chaque changement d'organe fait séparément ne remet pas en cause l'individu. Il n'y a à priori aucune limite au nombre d'organes changés en une fois, pour déterminer si l'individu reste le même ou pas. Le fait de tout changer en une fois, ou en plusieurs fois au cours du temps, n'est à priori pas déterminant.
Dans la dernière expérience, le changement affecte profondément certaines fonctions vitales de l'individu. Les muscles, par exemple, continuent d'assurer leur rôle mécanique, mais ils sont de nature différente. Ils utilisent d'autres processus physicochimiques pour fonctionner. L'apport d'énergie aux muscles doit être adapté. Ceci affecte l'alimentation et la respiration.
L'individu ne peut plus être considéré comme un être humain à part entière. Mais, la barrière des espèces est un critère arbitraire, qui n'a son sens que lorsque l'on caractérise un individu sur le plan biologique. Il peut donc y avoir continuité de l'individualité, lors du passage d'une espèce à une autre.
La simulation du corps
Imaginons que l'on ait une machine capable de remplacer le corps humain. Elle peut simuler les fonctions responsables des interactions avec le monde extérieur, par exemples : la vue, l'ouïe, l'odorat, le toucher, la parole, le mouvement. Et elle peut recevoir un vrai cerveau, qui prend alors son contrôle. On appellera cette machine : le "robot".
On transplante le cerveau d'un individu dans le robot. L'individu est-il le même ? Plutôt oui. On a vu précédemment que le corps n'est pas une caractéristique déterminante de l'individu. On a vu aussi que l'appartenance du corps, ou du réceptacle du cerveau, à une espèce donnée, n'est pas un critère. Il va sans dire que le comportement de l'individu sera profondément affecté.
Le remplacement du cerveau
Imaginons que l'on ait un autre robot pourvu d'un ordinateur de bord, qui puisse simuler parfaitement un cerveau humain. Le robot récupère de la boite utilisée précédemment, l'information décrivant la composition et l'organisation moléculaire de l'individu, et en particulier, la partie concernant son cerveau. Puis le robot programme l'ordinateur de bord, et lui passe le contrôle. L'individu dans le robot est-il le même ? Oui. On a vu que la mémoire et la raison de l'individu, sont complètement déterminées par la composition et l'organisation moléculaire du cerveau. L'ordinateur fonctionne donc comme le cerveau biologique de l'individu initial. Il se souvient des mêmes évènements passés, et traitera les évènements futurs avec la même puissance de raisonnement.
Il est l'individu. Il sait que son cerveau est fait de semi-conducteur au lieu de neurones, mais cette différence n'est pas déterminante. D'ailleurs, l'être humain a passé l'essentiel de son temps sur terre sans savoir que son cerveau était le siège de son individualité, de sa mémoire et de sa raison, ou composé de neurones. Le comportement de l'individu va bien sûr être profondément affecté, mais probablement moins que celui d'un autre individu qui, par exemple, suite à un accident cérébral, deviendrait tétraplégique.
Conclusion
L'individu se résume donc à sa mémoire et à sa raison, ou plus précisément à l'information qui permet de reconstruire sa mémoire, et sa capacité à manipuler des informations.
L'individu peut être dans deux états possibles :
- L'état inerte, lorsque par exemple, l'information est stockée sur un support numérique.
- L'état vivant, lorsque l'information est mise en oeuvre dans un cerveau biologique ou cybernétique.
Un individu peut être dupliqué en plusieurs entités inertes ou vivantes :
- Les entités inertes sont un seul et même individu en plusieurs exemplaires.
- Les entités vivantes se différencient aussitôt en individus après la duplication, puisqu'ils se mettent à vivre des expériences différentes.
- L'individu original continue sa vie en temps qu'individu.
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