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Articles

Affichage des articles du avril, 2011

La nuit étoilée

« Ça ne m’empêche pas d'avoir une envie terrible de religion, je dois dire, alors, la nuit, je sors peindre les étoiles. » Vincent Van Gogh, dans une lettre à son frère La ville n'existe pas, sauf là où l'arbre noir et chevelu glisse comme une noyée dans la chaleur du ciel. La ville est silencieuse. La nuit bouillonne avec ses onze étoiles. Oh, nuit si étoilée ! C'est ainsi que je veux mourir. Ça bouge. Elles sont vivantes. Même la lune se renfle dans ses fers orange pour pousser les enfants, tel un dieu, hors de son œil. Le vieux serpent invisible engloutit les étoiles. Oh, nuit si étoilée ! C'est ainsi que je veux mourir : dans cette bête surgissant de la nuit, aspirée par ce grand dragon, pour me détacher de ma vie sans drapeau, ni ventre, ni cri. Michel Corne. La nuit étoilée (traduction), 4/2011. Anne Sexton . The Starry Night (texte original), All My Pretty Ones, 1962. Lire les textes en parallèle et les notes de traduction. Vincen

La vérité que les morts connaissent

Pour ma mère, née en mars 1902, décédée en mars 1959 et mon père, né en février 1900, décédé en juin 1959 Partis, me dis-je en m'éloignant de l'église, refusant l'austère procession vers la tombe, laissant le défunt voyager seul dans son corbillard. C'est le mois de juin. Je suis fatiguée d'être forte. Nous roulons vers Cap Cod. Je me revigore grâce au soleil qui ruisselle du ciel, grâce à la mer qui bat comme un portail en fer, et nous sommes proches. Dans un autre pays, les gens meurent. Mon chéri, le vent s'abat comme les pierres de l'écume enhardie, et quand nous nous touchons nous entrons en communion. Nous ne sommes plus seuls. Les hommes tuent pour cela, que je sache. Et qu'en est-il des morts ? Ils gisent sans chaussures dans leurs embarcations de pierre. Ils ressemblent plus à de la pierre qu'à la mer si elle s'arrêtait. Ils refusent d'être bénis, gorge, oeil et osselet. Michel Corne. La vérité que les morts co

La mousse de sa peau

Les jeunes filles dans l'ancienne Arabie étaient souvent enterrées vivantes à côté de leur père défunt, apparemment comme un sacrifice aux déesses des tribus... Harold Feldman, « Les enfants du désert » Psychoanalysis and Psychoanalytic Review, Fall 1958 La seule chose importante était de sourire en restant immobile, de se coucher à côté de lui et se reposer un moment, de se replier ensemble comme si on était fait de soie, de disparaître du regard de mère et ne plus parler. La chambre noire s'emparait de nous comme une caverne ou une bouche ou un ventre intérieur. Je retenais mon souffle et papa était là, ses pouces, son gros crâne, ses dents, ses cheveux qui poussaient comme un champ ou un châle. J'étais étendue contre la mousse de sa peau, puis tout devint étrange. Mes sœurs ne sauront jamais que je m'effondre, hors de moi-même, faisant mine de croire qu'Allah ne verra pas que je tiens mon papa comme un vieil arbre de pierre. Michel

Ce genre de femme

Je suis sortie, sorcière possédée, hantant l'air noir, plus courageuse la nuit, songeant à malfaire, j'ai fait mon temps, au-dessus des petites maisons, de lumière en lumière, pauvre chose à douze doigts, oubliée. Une femme comme ça, n'est pas tout à fait une femme. J'étais dans son genre. J'ai trouvé des grottes accueillantes dans les bois, je les ai garnies de poêles, de statuettes, d'étagères, d'armoires, de soieries, de biens innombrables. J'ai préparé le souper pour les vers et les elfes, j'ai rouspété et remis de l'ordre. Une femme comme ça, est mal comprise. J'étais dans son genre. Je suis montée dans ton chariot, conducteur, j'ai agité mes bras nus devant les villages qui défilaient, j'ai découvert l'éclat du dernier voyage, survivante, là où tes flammes me mordent encore les cuisses, et mes côtes craquent à chaque tour de roue. Une femme comme ça, n'a pas honte de mourir. J'étais dans son ge