Accéder au contenu principal

Par pitié pour les gourmands

Pour mon ami, Ruth, qui m'encourage à prendre
un rendez-vous pour le sacrement de la confession

À propos de ta lettre dans laquelle tu me demandes
d'appeler un prêtre et dans laquelle tu me demandes
de porter la croix que tu as jointe,
ta propre croix,
ta croix mordue par ton chien,
pas plus grosse qu'un pouce,
petite et en bois, sans épines cette rose…

Je prie son ombre,
cette zone grise
où elle repose sur ta lettre... profondément, profondément.
Je déteste mes péchés et j'essaie de croire
en la croix. Je touche ses tendres hanches, le visage dur et sombre,
son cou solide, son sommeil brun.

C'est vrai. C'est là
un beau Jésus.
Il a les os gelés comme une pièce de bœuf.
Comme il voudrait refermer ses bras désespérément !
Comme je touche ses axes verticaux et horizontaux désespérément !
Mais je ne peux pas. Avoir besoin n'est pas vraiment croire.

Toute la matinée,
j'ai porté
ta croix, accrochée avec de la ficelle d'emballage autour de ma gorge.
Elle me tapotait légèrement comme le cœur d'un enfant le ferait,
comme une trotteuse, en attentant doucement de naître.
Ruth, je chéris la lettre que tu as écrite.

Mon amie, mon amie, je suis née
pour être une référence en matière de péché, et née
pour le confesser. C'est ce que les poèmes sont,
par pitié
pour les gourmands,
ils sont les altercations de la langue,
le potage du monde, l'art du rat.
Michel Corne. Par pitié pour les gourmands (traduction), 8/2014.
Anne Sexton. With Mercy for the Greedy (texte original), All My Pretty Ones, 1962.
Lire les textes en parallèle et les notes de traduction.
Récité par Anne Sexton.

Commentaires