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Lignes écrites à Tyrone Guthrie

Résidence artistique Tyrone Guthrie, Irelande

Encore une journée de pluie battante
avec des trombes d’eau qui effacent
le paysage des minutes durant,
mais il y a des moments entre deux,
pendant lesquels on peut presque voir
un corps ou deux, blottis, refusant l’avancée
du jour, enroulés sous la couette,
comme des rimes imparfaites à retardement
dans un duo amoureux — doux badinage
avant les choses sérieuses,
le frère livrant sa liqueur
qui simule une mort apparente
pendant quarante-deux heures
, d’où
la jeunesse renaîtra à nouveau
dans un rythme vif…
si seulement. La journée est comme une production
de Guthrie qui se veut être du grand
art mais n'arrive pas à sortir
de sa torpeur, alors on fait durer le temps,
en attendant les financements et l'avis du producteur —
qui pense que ça marcherait mieux comme Off,
certes risqué, qui viendrait juste d’arriver
en ville, là où sort la foule ordinaire,
sans faire de frasque — mais peu importe.
La pluie a balayé le lac et les collines puis
s'en va. Le lac et les collines restent.
Je vais devoir renvoyer la dame, boucler
ma ceinture, et mettre les bouchées doubles, arrêter
de jouer avec les mots ou autres
choses juste pour le plaisir ou autres futilités, et
m’interroger sur moi-même et mon entourage
avec des questions du genre
qui mènent à une intention, car l’intention,
semble-t-il, mène au sens,
et le sens au concret, et le concret, c’est
l’essentiel, et l’essentiel, une fin.

Michel Corne. Lignes écrites à Tyrone Guthrie (traduction), 4/2024.
Neil Shepard. Lignes écrites à Tyrone Guthrie (texte original), 2017.
Marie Holohan. Tyrone Guthrie Centre, Annaghmakerrig (original sans pluie battante), 2019.

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