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En éloge à mon utérus

Chacun en moi est un oiseau.
Je bats de toutes mes ailes.
Ils voulaient te découper
mais ils ne le feront pas.
Ils ont dit que tu étais incommensurablement vide,
mais tu ne l'es pas.
Ils ont dit que tu étais malade à en mourir,
mais ils avaient tort.
Tu chantes comme une écolière.
Tu n'es pas déchiré.

Douce masse,
en éloge à la femme que je suis
et à l'âme de la femme que je suis,
et à la créature centrale et à son plaisir,
je chante pour toi. J'ose vivre.
Bonjour, esprit. Bonjour, calice.
Attacher, couvrir. Couverture qui enferme.
Bonjour la terre des champs.
Bienvenue, racines.

Chaque cellule a une vie.
Il y a là assez pour satisfaire une nation.
Il suffit que la plèbe possède ces biens.
N'importe quelle personne ou république dirait :
« C'est bien qu'on puisse encore planter cette année
et penser à la prochaine récolte.
La rouille avait été prévue et a été repoussée. »
De nombreuses femmes le chantent ensemble :
l'une maudit sa machine dans une usine de chaussures,
l'une soigne un phoque dans l'aquarium,
l'une s'ennuie au volant de sa Ford,
l'une encaisse à la barrière de péage,
l'une attache la corde d'un veau en Arizona,
l'une enfourche un violoncelle en Russie,
l'une déplace des marmites sur un fourneau en Égypte,
l'une peint les murs de sa chambre couleur de lune,
l'une se meurt mais se souvient d'un petit-déjeuner,
l'une s'étire sur sa natte en Thaïlande,
l'une essuie le cul de son enfant,
l'une regarde par la fenêtre du train
au milieu du Wyoming, et l'une est
n'importe où, et certaines sont partout, et toutes
semblent chanter, bien que certaines ne peuvent
chanter une note.

Douce masse,
en éloge à la femme que je suis,
laissez-moi porter un foulard long de trois mètres,
laissez-moi jouer du tambour pour les jeunes de dix-neuf ans,
laissez-moi porter des bols d'offrandes
(si c'est mon rôle).
Laissez-moi étudier le tissu cardiovasculaire,
laissez-moi examiner la distance angulaire des météores,
laissez-moi sucer les tiges des fleurs
(si c'est mon rôle).
Laissez-moi faire certaines figures tribales
(si c'est mon rôle).
Pour cette chose dont le corps a besoin,
laissez-moi chanter
pour un souper,
pour un baiser,
pour un vrai
oui.
Michel Corne. En éloge à mon utérus (traduction), 8/2013.
Anne Sexton. In Celebration of My Uterus (texte original), Love Poems, 1969.
Lire les textes en parallèle et les notes de traduction.
Tien Taylor. Tudor Rose Uterus.

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