Puisque vous le demandez, la plupart du temps je ne me souviens pas.
Je marche dans mes vêtements, sortie indemne de ce voyage.
Puis, cette innommable soif revient.
Même à ce moment-là, je n'ai rien contre la vie.
Je connais bien les brins d'herbe dont vous parlez,
le mobilier que vous avez placé sous le soleil.
Mais les suicides ont un langage particulier.
Comme les charpentiers, ils veulent connaître les outils.
Ils ne demandent jamais pourquoi construire.
Deux fois, je me suis annoncée, si simplement,
j'ai possédé l'ennemi, mangé l'ennemi,
acquis son art, sa magie.
Ainsi, lourde et pensive,
plus chaude que l'huile ou l'eau,
je me suis reposée, bavant la bouche ouverte.
Je n'ai pas pensé à mon corps au contact de l'aiguille.
Même le blanc des yeux et les restes d'urine ont disparu.
Les suicides trahissent toujours le corps.
Mort-nés, ils ne meurent pas toujours,
mais éblouis, ils ne peuvent oublier une drogue si douce,
que même les enfants contempleraient en souriant.
Jeter toute cette vie sous votre langue ! —
cela devient une passion en soi.
La mort est un os triste, meurtri, diriez-vous,
et pourtant elle m'attend, année après année,
pour effacer si délicatement une ancienne blessure,
pour chasser mon haleine de sa mauvaise prison.
Bien dosés, les suicides se réalisent parfois,
ravageant le fruit, une lune enflée,
laissant le pain qu'ils ont pris pour un baiser,
laissant la page du livre négligemment ouverte,
les non-dits, le téléphone décroché,
et l'amour quoi qu'il fût, une infection.
Michel Corne. Vouloir mourir (traduction), 8/2013.
Anne Sexton. Wanting to die (texte original), Live or Die, 6/1962.
Lire les textes en parallèle et les notes de traduction.
CrescentWatercolours. Harley Quinn.
Je marche dans mes vêtements, sortie indemne de ce voyage.
Puis, cette innommable soif revient.
Même à ce moment-là, je n'ai rien contre la vie.
Je connais bien les brins d'herbe dont vous parlez,
le mobilier que vous avez placé sous le soleil.
Mais les suicides ont un langage particulier.
Comme les charpentiers, ils veulent connaître les outils.
Ils ne demandent jamais pourquoi construire.
Deux fois, je me suis annoncée, si simplement,
j'ai possédé l'ennemi, mangé l'ennemi,
acquis son art, sa magie.
Ainsi, lourde et pensive,
plus chaude que l'huile ou l'eau,
je me suis reposée, bavant la bouche ouverte.
Je n'ai pas pensé à mon corps au contact de l'aiguille.
Même le blanc des yeux et les restes d'urine ont disparu.
Les suicides trahissent toujours le corps.
Mort-nés, ils ne meurent pas toujours,
mais éblouis, ils ne peuvent oublier une drogue si douce,
que même les enfants contempleraient en souriant.
Jeter toute cette vie sous votre langue ! —
cela devient une passion en soi.
La mort est un os triste, meurtri, diriez-vous,
et pourtant elle m'attend, année après année,
pour effacer si délicatement une ancienne blessure,
pour chasser mon haleine de sa mauvaise prison.
Bien dosés, les suicides se réalisent parfois,
ravageant le fruit, une lune enflée,
laissant le pain qu'ils ont pris pour un baiser,
laissant la page du livre négligemment ouverte,
les non-dits, le téléphone décroché,
et l'amour quoi qu'il fût, une infection.
Michel Corne. Vouloir mourir (traduction), 8/2013.
Anne Sexton. Wanting to die (texte original), Live or Die, 6/1962.
Lire les textes en parallèle et les notes de traduction.
CrescentWatercolours. Harley Quinn.
Commentaires
Enregistrer un commentaire