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La pièce de ma vie

Ici,
dans la pièce de ma vie,
les objets ne cessent de changer.
Les cendriers dans lesquels on pleure ;
le frère souffrant sur le mur en bois ;
les quarante-huit touches de la machine à écrire,
autant de globes oculaires qui jamais ne se referment ;
les livres, tous candidats à un concours de beauté ;
la chaise noire, un cercueil en skaï pour chien ;
les prises sur le mur
qui attendent comme la grotte des abeilles ;
le tapis doré,
un bavardage de talons et d'orteils ;
la cheminée,
un couteau qui attend que quelqu'un le ramasse ;
le canapé, épuisé par les efforts d'une putain ;
le téléphone,
deux fleurs qui prennent racine dans son entrejambe ;
les portes
qui ouvrent et ferment comme des palourdes ;
les lumières
qui m'asticotent,
éclairant à la fois le sol et le rire.
Les fenêtres,
les fenêtres affamées
qui enfoncent les arbres comme des clous dans mon cœur.
Chaque jour, je nourris le monde au-dehors,
même si des oiseaux explosent
ici et là.
Je nourris le monde ici aussi,
en offrant au bureau des friandises pour chiot.
Cependant, rien n'est vraiment comme il paraît.
Mes objets rêvent et portent de nouveaux costumes,
contraints, semble-il, par tous ces mots dans mes mains,
et la mer qui cogne dans ma gorge.
Michel Corne. La pièce de ma vie (traduction), 5/2014.
Anne Sexton. The Room of My Life (texte original), The Awful Rowing toward God, 1975.
Lire les textes en parallèle et les notes de traduction.

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